Dictionnaire amoureux de Venise
Dictionnaire dont les multiples références culturelles ne sont jamais ennuyeuses ou pédantes (au pire, le pédantisme est tellement dilué dans l’amour qu’il devient succulent). Les entrées sont principalement des noms d’artistes et d’écrivains qui ont fait, aimé Venise, qui y ont vécu ou y sont passés. Ainsi Proust y est-il « passé », deux fois. Mais quel passage…
Sollers rend hommage à Morand, bien sûr (« Venises »), mais aussi à Da Ponte, qui finira sa vie à New York et vendra ses livrets de Don Giovanni traduits en anglais. Il évoque longuement Nietzsche, Vivant Denon, Chateaubriand, Lord Byron, Hemingway, Sade, Monet, Manet, nous parle de la Fenice et du concert auquel assista Jean-Paul II. On y joue « l’interminable cinquième symphonie de Mahler ». Sollers note : « On fait subir Mahler à Jean-Paul II. C’est un attentat acoustique. »
L’amour que porte Sollers à Venise transparaît à chaque page. Il cite d’ailleurs Dominique Rolin – Sollers, comme dans la chanson, a deux amours - et lui cède la parole (extraits de « Plaisirs », livre d’entretiens paru en 2002, folio) pour raconter leur arrivée, la première fois, à Venise. Le soir, l’été. Ils prennent un vaporetto sur le Grand Canal. Ils le quittent place Saint-Marc. « Il (Jim, alias Sollers) a posé ses valises et nous sommes restés dix minutes sans pouvoir parler ». Donc, même si vous n’aimez pas Sollers, vous aimerez ce livre. Et dites-vous bien qu’un homme qui a écrit : « J’ai pu rester de longs moments, depuis une loge, ( à La Fenice) dans la bouche, les lèvres, la gorge et le souffle de Teresa Stich-Randall », ne peut pas être foncièrement mauvais.
Dictionnaire amoureux de Venise
Phillipe Sollers
Plon 2004
22 €
Une interview de Phillipe Sollers par Olivier Barrot lors de la sortie du Dictionnaire