On ne va pas expressément à La Grille pour festoyer. On musarde, on travaille, on habite, on sort… à Saint Germain des Prés, et on finit par s'attabler à la Grille Saint Germain (s'il y a de la place !) comme on accoste en fin d'après-midi dans un port familier après un agréable cabotage. Saint Germain n'est, et ne sera sans doute jamais, démodé. La situation et le charme du quartier le mettent à l'abri d'une telle disgrâce, mais ce fut longtemps le coin d'élection des artistes et des noctambules de tout poil vivant à Paris. Cette aimable jeunesse, pré ou post-révolutionnaire, intellectuelle, créative et /ou fêtarde avait comme point commun –toutes origines sociales confondues-, d'avoir été élevée aux bons petits plats familiaux. La rupture avec les traditions ayant des limites, la chasse aux calories n'étant pas alors une préoccupation, les bistrots aux horaires d'ouverture élastiques ont eu les faveurs de ce petit monde interlope. La Grille Saint Germain est emblématique de ce Paris quasi mythique, de ce Graal pour touristes américains.
Les habitués passent boire un canon avant de revenir manger plus tard… ou pas. L'écailler vient s'en jeter un au comptoir pour se réchauffer. C'est sombre et animé, il y a des photos anciennes plein les murs, le service se faufile comme il peut entre les tables et le bar imposant. Les clients qu'on mène dans la salle du premier hésitent un peu, sentant bien que c'est dans le brouhaha du rez-de-chaussée que ça se passe (aux beaux jours, il y a aussi le trottoir qui devient terrasse). C'est bien sympathique tout ça, pensez-vous, mais qu'est qu'on mange ? Une cuisine française traditionnelle exécutée sans brio excessif mais avec honnêteté. Pour être franc, un repas à La Grille s'oublie. Ce qui est positif. Quelques établissements du même genre s'associent malheureusement à des souvenirs de digestions pénibles ! Quand on pense à La Grille, on se rappelle avoir passé un bon moment, d'avoir été rassasié comme il faut et, à l'occasion, on y retourne. Et souvent, bien nous en prend. Lors de notre dernier dîner, cet hiver, les escargots de Bourgogne (16 € la douzaine), la tête de veau sauce gribiche (15 €) et le pot au feu (17 €) étaient tout à fait honorables, le Coteaux du Lyonnais Loron & Fils 2009 (23 €) gouleyant. Il est plaisant de penser que La Grille sera là, telle qu'elle doit être, perfectible et intemporelle quand le hasard de la vie parisienne nous y conduira à nouveau. L'établissement a profité du rayonnement de L'Elite –le bar de Castel, quand il méritait son nom-, et a résisté à son déclin. La guerre de tranchée pour la sauvegarde du marché Saint Germain ne l'a pas tué, il supportera les intermittences de notre clientèle.

Le premier verre de Côteaux du Lyonnais Loron & Fils pour attendre les gros escargots de Bourgogne
Ci-dessous, la tête de veau et le pot au feu avec l'os à moelle. Les deux plats sont servis en cocotte.

Ouvert tous les jours
Service de 12h00 à minuit/ 02h00 le samedi
carte 30/45 €

La Grille Saint Germain
14, rue Mabillon / 1, rue Guisarde - 75006 Paris

Tel : 01 43 54 16 87

Plan d'accès