Venise
Panorama des grands amoureux de Venise
La beauté de Venise vous saisit, ne vous lâche pas, et vous poursuit bien après votre retour. Peut-on la décrire, l’analyser ? Plutôt que de tenter l’impossible, mieux vaut savoir avec qui on partage le goût immodéré qu’on a pour cette ville. Dites vous que si vous êtes tombé dans les rets de la Sérénissime, vous êtes en bonne compagnie. Casanova, Lord Byron, Proust, Stendhal, plus près de nous Hemingway, Morand, et Philippe Sollers qui nous gratifie d’un excellent « Dictionnaire amoureux de Venise ».
Des lieux de Venise et leurs fantômes
Casanova est dans Venise tout entière, mais la prison du palais des Doges le symbolise assez bien. Ecroué pour athéisme et autres fadaises (en réalité pour ses frasques amoureuses) il s’évade de cette geôle dont personne, disait-on, ne pouvait s’échapper. Il fuit en compagnie d’un prêtre. Quelle ironie !
Détail d'un portrait (anonyme -1860) de Giacomo Casanova (Venise 1725 - Dux 1798) et deux lieux qui illustrent ses mésaventures dans la Sérénissime. A gauche, l'église San Samuele où, tout jeune prédicateur, il fit un sermon désastreux en état d'ivresse ; ce qui mit un terme à sa carrière. A droite, le palais des Doges, où il fut incarcéré en 1756 dans la prison des Plombs.
Lord Byron, lui, pourrait fort bien hanter les eaux de la lagune, puisqu’il était un nageur exceptionnel et ne manquait pas de plonger dans le Grand Canal et de le parcourir sur plusieurs kilomètres. Il alla ainsi rejoindre une jolie femme…
Lord Byron arrive à Venise en novembre 1816. Il séjourne d'abord à l'hôtel de Grande Bretagne, puis s'installe au palazzo Mocenigo (les trois bâtiments derrière la gondole - le premier à gauche est aujourd'hui un musée). Il séjourne aussi sur l'île San Lazzoro où il apprend l'arménien avec les moines mekhitaristes. A droite : Lord Byron, détail d'un portrait (1824) par Thomas Phillips (1770-1845).
L’hôtel Europa ne peut qu’évoquer Marcel Proust qui fit son premier voyage en compagnie de Reynaldo Hahn et fut photographié sur la terrasse. Stendhal n’est pas resté bien longtemps à Venise, mais vous aurez une pensée pour lui si vous vous rendez aux Giardini, qu’il a traversés.
Marcel Proust à Venise et l'hôtel Europa, aujourd'hui réuni à son voisin pour former The Westin Europa & Regina, vu du Grand Canal.
Hemingway ? Un classique (trop, peut-être), le Harry’s Bar (Sestiere San marco, calle Vallaresso 1323). Profitez-en pour goûter le célèbre Bellini (champagne et jus de pêche). Morand, le diplomate, le voyageur aux voitures de sport, aura garé la sienne on ne sait où, à Mestre sans doute, pour se rendre au Danieli. Les palaces, charmeurs et brillants, lui vont à ravir. Quant à Sollers – le seul que vous croiserez peut-être, puisqu’il hante Venise de son vivant- les Zattere lui conviennent. C’est un des quartiers les plus calmes de la ville, qui regarde la Giudecca et San-Giorgio, à gauche. Idéal pour méditer, flâner, écrire…
Ernest Hemingway à Venise
Le canal de la Giudecca et les Zattere vus de la Guidecca, de la terrasse du Hilton Stucky Molino
Pour les amateurs de musique, Vivaldi est dans l’air de la Sérénissime, même si Johann Strauss et ses valses lui font concurrence (?) sur la Place Saint-Marc, quand le Florian et le Quadri lancent leur orchestre au même moment. Nous y avons aussi entendu la Marche de Radetzky, du même Strauss : l’Empire austro-hongrois, qui s’enorgueillit jadis de posséder Venise à cause d’une absurde largesse de Bonaparte, surgit de manière intempestive. N’oublions pas Mozart, vénitien par son librettiste Da Ponte, et Richard Wagner, qui est mort ici, et dont on a rapatrié les cendres dans sa maison de Wahnfried à Bayreuth, lieu plus approprié à la célébration de ses mythes et de ses partitions. Les cinéphiles de base peuvent toujours aller au Lido, à l’hôtel des Bains où fut tourné Mort à Venise, y évoquer les mânes de Visconti, de Thomas Mann, de Mahler – et, pourquoi pas, celles du remarquable Dirk Bogarde. Ils devront malheureusement se contenter de flâner le long de la plage et de la façade du mythique hôtel fermé depuis octobre 2009. Vendu à des promoteurs, il est appelé à devenir une résidence de luxe (Residenze Des Bains). A notre connaissance, ce triste projet n’a toujours pas abouti à l’été 2015 !
La terrasse et le grand salon de l'Hôtel des Bains en juillet-août 2009, juste avant la fermeture, quand nous avons eu le bonheur d'y séjourner.
Bien sûr, il y en a d’autres, des fantômes. Manet, Stravinsky, Diaghilev, Peggy Guggenheim, pour ce qui est des visiteurs. Les peintres ? Ils sont cohorte, et Dieu merci visibles par leurs œuvres. Le Titien, Tintoret, Véronèse, Carpaccio, et Tiepolo, bien sûr. Allez à l’Accademia (le matin, à l’ouverture, les œuvres sont pour vous seuls). Vous y admirerez l’exceptionnelle Tempesta de Giorgione, et le non moins extraordinaire portrait de vieille femme, par le même peintre.
Peggy Guggenheim avec ses chiens sur le toit terrasse de sa résidence vénitienne, le palazzo Venier dei Leoni (en arrière plan, le pont de l'Accademia). A droite, le palazzo Venier dei Leoni, aujourd'hui Fondation Peggy Guggenheim.
Musée de l'Accademia, la salle du Cycle de la Légende de Sainte Ursule par Carpaccio. Cet ensemble comprend huit toiles et un retable et fut exécuté entre 1490 et 1500.
Plaisirs et adresses
Venise se goûte selon son humeur. Nous nous garderons bien d’indiquer des circuits, par exemple (les guides sont excellents pour qui veut un parcours fléché), ou de signaler des visites obligatoires. Rien n’est obligatoire, à Venise, si ce n’est d’ouvrir les yeux. Et de prendre du plaisir… Tentations-Voyages se borne donc à suggérer. Par exemple, pour les plaisirs de la flânerie, ne pas oublier quelques quartiers que les touristes désertent ou fréquentent moins : Cannaregio, son canal (et ses canaux oubliés, plus au nord) et le Ghetto, le chemin qui mène des Giardini à l’île de San Pietro, la petite île de Burano et ses merveilleuses maisons colorées (ainsi les femmes de pécheurs signalaient-elles de loin leur foyer à leur époux qui s’en revenait au port). La place Saint-Marc (prononcer Saint-Mar’) se vide de la plupart de ses touristes en fin de journée. Aux beaux jours, un apéritif à la terrasse du Florian est agréable, moins cependant qu’au café Chioggia qui possède à notre avis l’une des plus belles terrasses du monde : sur la Piazzetta, devant la sublime façade ocre du palais des Doges. Goûtez-y l’apéritif vénitien, le Spritz : un délice.
A la terrasse du Caffé Chioggia, les lumières du couchant sur la Piazzetta et le palais des Doges.
A propos de boisson apéritive (et de délice), il est possible, en cherchant bien, de trouver du vrai « Fragolino », vin rouge à base de fraise, interdit à la vente dans la communauté européenne pour une question de cépage, mais non à la production et à la consommation « des viticulteurs ». Se boit donc sous le manteau.
Quelques adresses de bons restaurants :
Do Farai, Calle del Capeller, Dorsoduro. Délicieux – commandez le carpaccio de bar. Une merveille ! Et l’accueil comme le service sont excellents. Regardez le sympathique et efficace Stefano confectionner sous vos yeux le carpaccio de bar. Les tagliatelle aux gambas, et le risotto di pesce vous laisseront un remarquable souvenir. Un excellent vin blanc, le Amarone del Valpolicella, de chez Quintarelli. N’oubliez pas, comme dans tous les restaurants de Venise ou d’Italie, de demander « il vino della casa ». Toujours agréable, et moins cher que les vins à la carte. Sinon, ce restaurant a une très belle carte des vins (repas à deux : environ 80 euros). Dernier conseil, quasiment comminatoire : le merveilleux sorbet digestif qu'est le Sgruppino, fait maison, évidemment, et sous vos yeux. Le seul problème de Do Farai : le trouver ! Mais une fois que c’est fait, vous ne le regrettez pas. Et puis, quel plaisir de tourner dans les ruelles de Dorsoduro… Nous vous guidons sur la page dédié à ce restaurant.
Plus cher peut-être (environ 110 euros à deux) mais également à conseiller, la Trattoria da Remigio, dans le quartier de Castello. Pour ses antipasti della casa avec ses sardines, gambas, langoustines crues, son carpaccio de thon, ses pétoncles, et surtout ses couteaux. Excellent.Bien sûr, à Venise, vous ne pouvez pas ne pas goûter les pâtes à l’encre (issue des suppions, petits poulpes).
Après un dîner de cette qualité, vous vous promenez dans Venise la nuit (une des villes les plus sûres du monde), et vous prenez une gondole. En effet, autant une gondole de jour n’a que peu d’intérêt comparée à la promenade pédestre ou à un simple vaporetto, autant la gondole nocturne vous fait glisser dans le silence entre les palais dont les silhouettes et les ombres vous ramènent quelques siècles en arrière. Fantasmagorique.
Gondole de nuit sur les petits canaux dans le sestiere Castello.